Who is the Boss? [Res. to Cate]

- Ouaaaaaah! L'admiration qu'éprouvait Norma à cet instant était à son comble. Dans l'avion, on lui avait confié que toutes les confréries allaient logées dans des bungalows répartis en plusieurs quartiers. Au départ, elle s'était imaginé que les bungalows seraient tous confondus et qu'elle allait devoir cohabiter avec un de ces mangeurs d'hamburgers gras et bouffis -peut-être même le correspondant de la jeune Wright- ou avec un italien assuré de son sex-appeal qui ramènerait tous les soirs une nouvelle jeune femme qui hurlerait des talents du mâle type méditerranéen.

Coupée du moindre repère (constitués des frères Harlow et de ses deux cinglées de meilleures amies), Norma Jean s'imaginait déjà devoir se cramponner du mieux qu'elle pouvait à sa chère cousine, l'impétueuse et ténébreuse Caitlin Wethford. Hum, ouai, pas terrible lorsque cette dernière serait totalement emmurée dans une bulle qui indiquerait 'Isolement de Cate Weth, pour cause d'irritation aux rebus de Bora Bora'. Second problème : les bungalows. Norma avait imaginé de petits maisonnettes entourées de fleurs, de papillons et de cœurs, comme sur la planche de surf de Celian, mais en réalité, sa vision des vacances de rêves s'était assombrie à l'instant même où Chelsea lui dévoilait tous les secrets de leurs vacances 'au soleil'. Norma était assise du côté fenêtre de l'avion et elle n'avait cessé de rabâcher à sa cousine à quel point le monde était merveilleux, vu d'en-haut. Ce qui bien évidemment n'était pas de l'avis de Declan, assis sur l'un des sièges face à ceux des cousines Wethford, qui faisait tout pour garder les yeux fermés et les oreilles hermétiquement fermées au monde extérieur à l'aide de son lecteur MP3. Norma aurait bien voulu lui demander s'il comptait les secondes qui le rapprochaient de l'atterrissage sur Bora Bora lorsqu'elle se surprit à rire en entendant la musique qu'il écoutait : Maya l'Abeille, musique certainement infiltrée pour cause d'espace de stockage indisponible dans le lecteur MP3 de Celian. Et puis, Chelsea, qui tentait désespéremment d'obtenir une minuscule bouteille de vodka en faisant les yeux doux à l'un des stewarts lui lança, alors qu'elle commençait à se plaindre du manque de politesse de Declan ou du 'je-m'en-fiche-de-tes-blablas' de sa cousine. " Tu sais Norma, les bungalows, ils seront minuscules." "T'es cinglée, un bungalow, c'est mignon, c'est en bois et..." " Ouai, c'est ça, en bois, bourré de termites, en plein milieu d'un buisson remplit de moustiques! Le pire, tu sais c'est quoi? J'imagine qu'il n'y aura aucun supermarché à la ronde... " Soudain, le visage de Chelsea, qui tentait d'ouvrir sa petit bouteille d'alcool (c'était mieux que rien), se teinta d'horreur. "Merde! Ca voudra dire qu'il n'y aura pas d'alcool! Maden! Mad! Réveille-toi! Il faut faire demi-tour, j'ai pas pris assez de provision! Va montrer ton décolleté au pilote! ". Norma ne prêtait plus attention à ses meilleures amies, assises derrière elles, et tentait de calmer sa crise d'angoisse en ce qui concernait son futur logement. C'est vrai que les bungalows, en général, ils étaient faits en bois... et Norma avait horreur des insectes.

- Tu as vu, comme c'est beau! Regarde! On peut même voir les poissons! Le visage de Norma était le même que celui d'un enfant de cinq ans un matin de Noël. Elle s'émerveillait de tout et de rien, surtout de rien au grand damne de Caitlin. Cate ne prit même pas la seule peine de jeter un coup d'oeil vers le sol transparent que Norma lui montrait du doigt et elle alla s'écrouler sur le canapé blanc qui était installé en plein milieu de la pièce. Norma posa ses affaires au sol (compter ici au moins... deux sacs et une valise à roulettes) et elle rejoignit sa cousine en se vautrant sur les coussins, ne résistant pas à l'envie d'allonger ses jambes sur les cuisses de Caitlin.

- Je suis heureuse qu'on ait pu être placée dans le même bungalow, j'aurai été triste sans toi! La vérité, c'était que Norma ne pouvait imaginer une seule seconde vivre sans sa cousine. Quelques fois, leurs pères s'étonnaient de leur rapport, se demandant tantôt si elles n'étaient pas des inconnues que l'on venait juste de présenter ou si elles n'étaient pas de fausses jumelles. La vérité, c'était que le mauvais caractère de sa cousine était ancré en Norma comme le fait que Chelsea était un tonneau rempli à ras-bord d'alcool les soirs de fêtes. D'ailleurs, elle se demandait ce que pouvait bien signifier son regard brillant lorsque Celian lui avait fait remarquer qu'il y avait un supermarché, dans la station dans laquelle ils séjournaient. Valait mieux ne pas y penser.

Norma Jean se releva du canapé et se mit à inspecter méthodiquement les lieux. Autant aller dans un ordre d'importance : la cuisine. Elle était là, ralliée au salon par un simple encadrement, cachée à la vue des occupants du bungalow par un rideau de perles de bois, un bois sombre et lourd, comme les aimait Norma. En ouvrant le frigidaire, Norma ne put s'empêcher de grimacer. Il n'y avait à l'intérieur que le strict minimum et il fallait peut-être commencer à songer qui, de Caitlin ou de Norma, allait devoir faire les courses en première. "Je mange pas ici ce soir!" Ouai, voilà, elle irait très certainement demander asile à Chelsea, qui étaient sans doute en train de faire le plein de cacahuètes et d'alcool, afin de ne pas aller faire les courses aujourd'hui.

- Tu veux te joindre à moi? Norma n'avait jamais vraiment su les réels sentiments qu'éprouvaient sa cousine face à son groupe de joyeux lurons, les Harlow et le Blondy Trio. Enfin, du moment qu'elle savait que Norma l'aimait, c'était tout ce qui comptait pour elle... Peut-être qu'elle lui lancerait un 'Nan, je veux pas voir ta bande de débiles et toi encore moins si tu as la gueule de bois demain'. Oui, Norma et les lendemains de cuites, c'était une histoire... tragique.

Caitlin avait passé tout le trajet en avion à écouter les babillages incessants de sa chère et tendre cousine. Oui, Cate aimait beaucoup Norma, comme sa propre sœur même, mais parfois, il ne fallait pas abuser. Sa blonde de cousine pouvait s’émerveiller de ce qu’elle voyait au travers du hublot – à savoir rien du tout à part des bouts de terre de temps à autre ou un lit de nuages – Caitlin n’en avait que faire. Dans l’avion, ils diffusaient une comédie romantique avec Hugh Grant. Un film chiant, quoi. Mais bon, Caitlin s’ennuyait tellement pendant ce trajet – et elle ne comprenait rien aux délires des amis de sa cousine – qu’elle regarda le film, tout en se moquant des situations clichées et du manque de jugeote des acteurs, qui étaient de toute manière fort mauvais. Au bout d’un moment, elle essaya de retrouver Dereck parmi les passagers, histoire d’aller s’occuper un peu, mais le garçon semblait somnoler. D’habitude, elle se serait fait un malin plaisir à le réveiller en fanfare mais, dans l’étroitesse des couloirs de l’engin, ce ne serait pas évident. Surtout que c’étaient des moments qu’elle ne partageait qu’avec son meilleur ami et pas avec toute une ribambelle de passagers dont elle ne connaissait pas le quart. Malgré le transport à la qualité discutable, la jeune fille ne se faisait aucun souci pour le reste du séjour. Les brochures qu’on leur avait données avant de monter dans l’avion prétendaient tenir toutes leurs promesses. Caitlin avait hâte de voir ça ! Lors de la montée dans l’avion, elle s’était également abondamment servie en journaux internationaux, même si elle ne comprenait quasiment aucune des langues – elle reconnut juste le nom de Michael Schumacher dans les pages sportives du magazine allemand.

L’arrivée à l’hôtel fut donc un soulagement. Caitlin avait les jambes quelque peu engourdie et elle n’aurait pas supporté plus longtemps le jeu de Norma qui consistait à lui faire part de toutes les formes originales que prenaient les nuages. ‘Oh, regarde ! On dirait un kangourou, c’ui-là’. Caitlin n’y avait même pas prêté attention. Ces mêmes exclamations émerveillées retentirent à nouveau quand elles pénétrèrent dans leur bungalow, le parfait cliché des hôtels de vacances, mais Cate adorait ça. Cela changeait carrément des chambres universitaires de Sydney. Caitlin déposa son sac de voyage et sa valise en plein dans l’entrée avant de se diriger avec détermination et envie jusqu’au canapé qui trônait en plein milieu de la pièce. Elle s’y écroula avec un soupir qui signifiait ‘enfin arrivées !’. Norma la rejoint quelques instants plus tard, en profitant des magnifiques jambes de Caitlin pour y poser les siennes. Il était vraiment étrange de constater à quel point leurs élans d’affection étaient différents. Norma n’hésitait à dire avec des mots simples ce qu’elle avait sur le cœur, tandis que Caitlin privilégiait les sarcasmes et l’ironie pour faire part des siens. Ce qu’elle ne manqua pas de faire une nouvelle fois auprès de sa cousine pour lui signifier qu’elle aussi était heureuse de partager ce bungalow avec elle : « Qui se serait chargée de te ramener au bercail une fois saoule, sinon moi ? »

Caitlin lui donna une petite tape affective sur le mollet avant que sa cousine ne se relève. La jeune australienne préféra rester dans son nouveau canapé, affalée comme un marshmallow fondu alors que Norma inspectait leur nouveau logement. Caitlin aurait tout le temps de le faire lors de leur séjour. Au ton que prit sa cousine pour annoncer qu’elle avait déjà des projets pour ce soir, Caitlin se douta que cela voulait dire que le bungalow était vide de toutes victuailles. Qu’à cela ne tienne, la jeune femme ne resterait pas là non plus, ce soir. Elle irait chez Dereck ou bien se ferait inviter par un joli garçon qu’elle rencontrerait lors de ses pérégrinations sur l’île dans l’après-midi. Oui, voilà une bonne idée.

Elle fut tirée de ses projets par l’invitation surprise de sa cousine à se joindre à elle. Ce qui, dans le langage marylinesque comprenait également toute sa troupe d’amis déjantés. Pour tout dire, Caitlin ne les connaissait pas vraiment, sinon à travers ce qu’en disait Norma, qui parlait d’eux tout le temps. Même si les cousines étaient très proches, il n’en restait pas moins qu’elles avaient chacune leur groupe d’amis et menaient une vie différente. C’était peut-être mieux ainsi. Néanmoins, Caitlin prit le temps de réfléchir à cette proposition. « Ouais, je sais pas. » Il est vrai que connaître un peu mieux les amis de sa sœur – et surtout ce Celian avec qui elle avait participé à la journée de bizutage – lui aurait fait plaisir. Mais, en même temps, elle se demandait si elle ne sentirait pas un peu ‘seule’ car complètement en dehors de leurs délires. Et puis, même si Caitlin était du genre opportuniste, elle n’avait pas envie de s’imposer juste parce que sa cousine le lui avait si gentiment proposé. « Si vous comptez vous saouler, c’est même pas la peine. Je veux bien faire la nounou, mais j’ai pas envie de te ramener chaque soir dans un état pas possible. Tu sais que ton père m’a demandé de veiller sur toi ? » Son oncle, qui tenait autant à sa fille que son père à elle-même, lui avait demandé de faire comme d’habitude et de bien faire attention à Norma. Les deux filles étaient des adultes depuis quelques années déjà mais leurs pères étaient tellement gagas de leurs filles qu’ils ne cessaient de les choyer.

« Bon. On visite les chambres ? » Et Caitlin se releva avec fracas, faisant claquer ses tongs sur le sol de la pièce, prête à se battre avec Norma pour avoir la meilleur chambre et, par conséquent, le meilleur lit.

Norma Jean n’avait même pas répondu à l’interrogation de sa chère et tendre cousine. Sa remarque avait cinquante pourcent de chance d’être véridique, et cinquante autres fausses. Dans son esprit, Norma était déjà en train de débattre avec son fort intérieur, qui approuvait la présence de Caitlin aux côté de la jeune Wethford. Tu sais, peut importe ce qu’il arrivera et peut importe vos relations, Cate sera toujours auprès de toi et te soutiendras… même si elle a un vrai caractère de cochon. Et puis, une autre partie d’elle-même croyait en ses joyeux Kangourous… surtout en Maden, qu’elle pensait la plus sérieuse du groupe… Norma referma la porte du réfrigérateur et se dirigea vers les différents placards. Tout en les ouvrants, elle tentait de faire une liste de courses fictive, ajoutant à chacun des aliments une petite note qui indiquerait pour qui elle achèterait tout ça…

Norma se mit à rire lorsque Cate se qualifia de nourrice. Ou plutôt de tout, sauf de nourrice. La jeune blondinette se mettait à imaginer Caitlin avec un petit chapeau en dentelle refermé au dessous de son menton par un petit nœud de papillon et une petite robe noire qui donnerait à sa cousine un air de nounou-tueuse, très loin de l’image que l’on peut se faire de Mary Poppins ou de celle de Fran Fine, la nounou d’Enfer. Peut-être que Caitlin en mini-robe, ça passerait mieux… En tout cas, elle imaginait parfaitement les crises de nerfs qu’aurait pu essuyer Caitlin. « Mon père s’en fait toujours pour moi… Ne t’en fais pas, je sais me défendre ! » Lança –elle, de l’autre bout de la cuisine. Sa voix avait beau eu claironnée joyeusement, Norma ne pouvait s’empêcher de se rappeler pour quoi ses parents étaient si protecteurs envers elle… Ce simple souvenir la glaçait et lui pinçait le cœur…

Lorsqu’elle entendit sa cousine claironner qu’elle allait partir à la découverte des chambres, Norma hurla. « NAAAAAN T’AS PAS LE DROIT DE COMMENCER SANS MOI ! » Norma se mit à la recherche de sa chère cousine qu’elle rattrapa aisément. Elle passa ses bras autour de sa taille et la stoppa d’un coup net. « Tu n’iras nulle part ! Je passe avant toi ! » Néanmoins, il ne fallait pas ignorer la différence de taille entre les deux cousines. Norma possédait une dizaine de centimètres en moins que Cate, si ce n’est plus, et il fallait dire que cette dernière avait du répondant. Elle se débattait pour que Norma relâche son étreinte mais la petite demoiselle tenait bon. Elle se mettait à rire aux éclats lorsque Cate réussit à atteindre une des portes et posa sa main dessus. Norma posa sa tête blonde sur la hanche de sa cousine et, impatiente, elle lui lança « Allez, vas-y ! Ouvre-là ! Je veux voir ce qu’il y a derrière ! »

En réalité, Norma avait surtout envie de voler dans la pièce si cette dernière se révélait être une chambre. Si, au contraire, il ne s’agissait que d’un vulgaire placard, Norma était en parfaite position pour pousser sa chère cousine et l’enfermer à double tour à l’intérieur. Et seules les petites souris de Cendrillon pourront l’aider dans la tâche ardue qu’elle aurait à entreprendre pour sortir de là. Elle ne doutait pas une seule seconde que Cate puisse être capable de briser le plancher de verre pour s’enfuir, bien que cette hypothèse soit plutôt irréelle. Le sol devait être incassable et surtout, elle ne pensait pas Cate suicidaire. Seuls ses cheveux ébène pouvaient faire douter un inconnu sur ce point… C’est connu, les cheveux bruns sont déprimants.

« Imagine que nos matelas soit des matelas remplit d’eau ! Le bonheur, je rêve d’un matelas qui bougerait dans tous les sens ! Comme la gelée royale de Tatie Thérèse ! » Tatie Thérèse… la tante anglaise des cousines Wethford, en surcharge pondérale et complètement accro aux thés et autres gelées colorées et écœurantes, visuellement parlant.

Caitlin doutait franchement que sa cousine soit capable de se défendre – et de quoi, d’abord ? – avec ses petits bras tous frêles. Mais elle ne répliqua rien pour lui laisser croire que c’était effectivement possible. Mais peu importe, Cate quitta le canapé et s’engagea dans les pièces qu’elle et sa cousine n’avaient pas encore visitées. Le bungalow n’étant pas non plus une villa sur pilotis et la jeune australienne doutait qu’elle se perdre ou se trompe de porte. Assurément, les dernières portes menaient soit à la salle de bain, soit aux chambres. Caitlin s’engageait dans le couloir quand le hurlement suraigu de Norma – qu’on aurait pu apparenter au cri déchirant des harpies dans les films d’horreur – retentit dans son dos. Cate essaya de s’échapper et pénétrer dans le premier endroit qui se présenterait pour échapper à la furie en liberté qui lui servait de cousine adorée. Quand elle sentit ses bras sur taille, Caitlin comprit que c’était trop tard et qu’elle était condamnée à devoir rivaliser de force avec le petit lutin blond qui venait de lui couper le souffle. « La vache ! T’aurais pu y aller moins fort, ça fait super mal ! » Cate essaya de desserrer l’emprise de Norma mais elle était plus coriace qu’elle ne le laissait paraître. Elle sautilla sur place, comme si sa sangsue de cousine allait lentement glisser le long de ses jambes pour s’écrouler à terre. Mais non. Norma n’était malheureusement pas une jupe un peu trop serrée à la taille, qu’on retirait avec difficulté après avoir pris quelques kilos depuis la dernière fois qu’on l’avait portée.

Finalement, Caitlin abandonna sa lutte et posa une main sur la poignée la plus proche de leur couple saugrenu. Captant son geste, Norma lui donna un peu de lest et la jeune australienne vit la tête de sa cousine à hauteur de son bassin. Vraiment, Norma se comportait parfois comme une enfant de cinq ans. Elle lui faisait toujours ce coup-là à l’époque où elles jouaient ensemble dans le jardin d’enfants. Caitlin avait alors tendance à lui donner une claque ou un coup de son petit poing, ce qui se soldait immanquablement par les pleurs de la blondinette et une fessée pour la brunette. « Si tu me lâchais un peu, on pourrait voir ce qu’il y a derrière cette porte. » Mais Norma n’avait pas l’air de vouloir arrêter son petit manège. Toujours accrochée à la taille de Caitlin, la blonde cousine était repartie dans un de ses délires – sûrement causé par les cuites successives qui lui ont grillé le cerveau. « Beurk. Je déteste la gelée de Tante Thérèse. Et je la déteste, elle aussi, avec ses gros bourrelets. Il fallait toujours lui faire des bisous, c’était dégoûtant. Et j’aime pas les anglais. »

Grâce à un effort surhumain, Caitlin réussit à tourner la poignée et à pousser la porte pour découvrir la chambre, décorée de façon tout à fait exotique, dans la continuité de ce que proposait l’hôtel. Deux lits étaient agencés de chaque côté de la grande pièce et disposaient chacun d’une table de nuit. Sentant la curiosité de Norma prendre le dessus sur le reste de son intellect, Caitlin en profita pour retirer les bras qui entouraient sa taille et, sans se soucier de savoir si sa cousine s’écroulait lamentablement sur le sol transparent qu’elle affectionnait tant, Caitlin se précipita sur le lit de gauche et sauta dessus afin d’en tester les ressorts. Il y eut un craquement mais pas le bruit typique des ressorts. « Ben c’est raté, ma cousine ! On a des vrais matelas. J’aime bien les matelas durs. Quand ils sont trop mous, on s’enfonce comme si on était aspiré par des sables mouvants. » A genoux sur le matelas, Caitlin en fit le tour à quatre pattes, testa l’oreiller en s’allongeant, défit la couverture pour tâter les draps avant de déclarer. « Je prends celui de gauche. » Cate se mit alors debout sur le lit, balança ses tongs sur le sol d’un mouvement de jambes et regarda quelques instants par la fenêtre pour voir la vue qu’elles avaient avant de récupérer un des coussins qui servaient à rendre la couche plus jolie. Elle le frappa entre ses mains, testant sa solidité. « Norma ? » Caitlin se tourna vers sa cousine. « Tu sais que je t’aime, n’est-ce pas ? » Le sourire qui suivit était des plus diaboliques. Comme une lanceuse de poids, Cate lança le coussin de toutes ses forces droit sur le visage de Norma. C’est fière d’elle que Caitlin ramena ses poings sur sa taille, prête à accueillir la riposte de la blonde australienne.

Norma Jean adorait voir sa cousine proclamer sa haine envers les anglais. Le rugby, c’était sa vie. Hors de question d’accepter une seule seconde l’existence de l’équipe anglicane, alors le pays, vous vous imaginez bien ! Il n’empêchait que sport ou pas, la vieille tante Thérèse, c’était une plaie. Norma se souvient d’avoir été traumatisée à jamais du rouge à lèvre couleur carmin… pour la simple raison qu’elle en avait été barbouillée des dizaines et des dizaines de fois lorsque que les pères des deux demoiselles les emmenaient à Londres, puis vers la ville de Thérèse, Leeds.

Sa cousine libérée, la porte ouverte, Norma observait la chambre avec un œil douteux. Appuyée sur ses genoux, le bras contre le mur, Norma posa son regard océan sur le sol puis, sur la baie vitrée qui s’étendait face à elle et qui donnait droit sur l’océan. Ca, c’était son petit plus, elle avait clairement fait savoir à la direction de l’université de Sydney qu’elle voulait une vue sur l’océan, sinon, elle ne répondait plus de rien et ne se serait pas privée de demander à son cher papa ‘Tu peux couper l’accès aux pompes à essence de mon directeur ?’. Elle se releva et, tout en ramenant ses mèches dorées derrière les oreilles, elle commença à faire le tour de la pièce. Les armoires étaient géantes –Norma ne se sentait pas d’attaque pour ranger toute sa garde robe-, deux bureaux avaient été mis à disposition –comme si elles allaient faire leurs devoirs… attendez, ils n’étaient pas là pour respecter la règle : envoyez une carte postale à vos parents tous les soirs ? Enfin, envoyez un mail tous les soirs à vos parents, Norma n’aurait pas accepter la vue d’un stylo et d’une feuille- et sur l’un deux, régnait un ordinateur portable. Au moment où elle allait lancer à sa cousine que ce bureau-là était le sien, elle commença son monologue à propos des matelas.

Un sourire goguenard accroché aux lèvres, Norma ne put s’empêcher de lui faire remarquer quelque chose « Oui, certes, les matelas sont durs… » Alors qu’elle allait continuer, la demoiselle laissa ses pieds la porter jusqu’au lit de droite –puisque Cate avait d’ores et déjà imposé sa marque de propriété en retournant le lit entier, vous savez, comme les chiens lorsqu’ils font leurs besoins partout afin de montrer à leurs congénères qui était le chef sur cette petite parcelle de terre- et, alors qu’elle montait à son tour sur le matelas, jetant ses sandales à-la-manière-Caitlin-Wethford « mais, il y a deux lits ici… dans la même pièce… » Elle s’interrompit une nouvelle fois et, après avoir lancé à sa cousine un regard provocateur du genre : si-t’oses-me-lapider-avec-ton-oreiller-t’es-foutue, elle reprit « Tu vas devoir te trouver un petit coin de nature, au cas où tu aurais la subite envie de faire l’amour avec un sublime italien… ou un sublime Dereck… parce que je t’interdis l’accès de cette chambre avec un homme ! »

« Parce que, rugbymen ou pas, j’arriverai à le jeter dehors ! » Puis, la voix de sa cousine la laissa perplexe jusqu’à ce qu’elle ne se reçoive en pleine face un des oreillers du lit gauche. Norma perdit l’équilibre et c’est non sans mal qu’elle réussit à atterrir sur son propre matelas. Elle attrapa à son tour l’un des coussins de son lit, puis celui de Cate qu’elle avait reçu, et telle une conquérante, elle sauta sur le sol en verre et hurla, tel un cri de guerre « BANZAIIIIII ! » Elle lança un premier coup dans le flanc droit de Cate qui récupéra bien vite son coussin, Norma ne pouvant bien n’évidemment pas défendre deux points stratégiques en même temps. « C’est faux ! Tu ne m’aimes que par intérêt ! » Un immense sourire puis, Norma recula de quelques pas avant de revenir à l’assaut et de sauter sur le lit de sa cousine, afin de continuer la bataille sur l'espèce de pont.

« Et puis, tu sais très bien que je vais t’avoir ! Je ne vois pas du tout pourquoi tu me provoques ! » Au même moment, alors qu’elle prenait un air triomphal, elle reçut un nouveau coup d’édredon dans le visage puis dans le ventre. T’as parlé trop vite, Norma, comme d’hab’ !